dimanche 15 janvier 2017

VOYAGES ET ACCULTURATION





Image: Greg Semu, "The last cannibal supper cause tomorrow we become christians"


DÉFINITION:

En sociologie, l'acculturation désigne la transformation de cultures différentes qui sont en contact permanent. Les processus en jeu dans ces rencontres sont principalement : le décalage culturel, la résistance et l'intégration. Ce concept fait l'objet de recherches en anthropologie, en histoire, en sociologie, et en psychologie.
Sa définition classique est celle proposée par Redfield, Herskovits et Linton, adoptée lors du mémorandum du Social Science Research Concil de 1936, comme : l'ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels originaux de l’un ou des autres groupes 1.
À partir de la fin du xixe siècle, des mouvements de population importants ont entraîné des mutations de nos sociétés tant au niveau économique et social que politique. Les chercheurs en sciences humaines et sociales s’intéressent aux problématiques portant sur les contacts interculturels et plus particulièrement à leurs effets sur les groupes et les individus1, en privilégiant les difficultés d’adaptation et d’intégration des migrants.
Dans les années 1980, plusieurs chercheurs français (Mbodj, Vasquez ou encore Clanet) soulignent les limites de ce concept. Dans le champ de la psychologie en particulier, Clanet insiste sur la nécessité de repenser la question de la rencontre interculturelle, plus particulièrement celle du changement psychoculturel en tenant compte de son caractère complexe, ambivalent et paradoxal. Ainsi, il est à l’origine, avec d'autres chercheurs en psychologie interculturelle, d’un nouveau concept, celui « d’interculturation »
Selon les chercheurs Redfield, Linton et Herskovits, l’acculturation renvoie à "l’ensemble des phénomènes résultant d’un contact continu et direct entre groupes d’individus appartenant à différentes cultures et aboutissant à des transformations qui affectent les modèles culturels originaux de l’un ou des deux groupes". Bien qu’en principe les changements soient mutuels, il existe généralement un groupe qui domine, autrement dit le groupe dominant, qui jouit d’une influence culturelle plus forte que l’autre groupe ; le groupe dominé, souvent composé de migrants et de leurs descendants4.
L’individu dans une situation d’acculturation utilise plusieurs stratégies pour s’adapter à la nouvelle société. Ces stratégies comprennent : les attitudes d’acculturation, relatives au positionnement de l’individu entre les deux cultures en contact, le niveau comportemental, qui concerne les changements de comportements individuels et de conduites sociales dans la nouvelle société (Sabatier et Berry). Certaines situations d’acculturation sont sources de difficultés et induisent le stress d’acculturation (Berry, Sabotier, Sam)4.
Le choix des stratégies d’acculturation se fait d’abord en fonction du positionnement de l’individu entre sa culture d’origine et celle de la société d’accueil. Selon Berry, le niveau attitudinal détermine le niveau comportemental et le stress d’acculturation. L’individu se positionne entre les cultures en contact selon deux dimensions : la première concerne la volonté d’avoir des contacts et des participations avec la société d’accueil et d’adopter ses valeurs. La deuxième est liée au maintien de la culture d'origine, de l’identité culturelle et de ses coutumes au sein de la société d’accueil. Ces dimensions peuvent être formulées en deux questions que se pose généralement un individu d’origine immigrée ou faisant partie d’une minorité culturelle
  1. Faut‐il maintenir sa culture et son identité d’origine?
  2. Faut‐il avoir des contacts avec les membres de la société d’accueil et participer à la vie sociale de cette société?
Le croisement des réponses " oui" ou "non" à ces questions permet de classer le choix de l’individu en quatre stratégies d’acculturation.
Avec l’assimilation, l’individu abandonne son identité et sa culture d’origine et cherche à établir des relations avec la société d’accueil. Il adopte alors la culture de la société d’accueil au détriment de sa culture d’origine. Cela peut conduire à l’absorption du groupe d’acculturation par le groupe dominant. (Sabatier et Berry)Dans l’intégration, l’individu veut à la fois maintenir sa culture et son identité d’origine et avoir des contacts avec la société d’accueil. Il participe ainsi à la vie sociale dans la société d’accueil tout en conservant sa culture d’origine. Dans ce cas, il existe plusieurs groupes ethniques distincts, coopérant tous au sein du système social général; le modèle multiculturel canadien en est un exemple (Guimond). L’individu peut alors mélanger les valeurs de sa culture d’origine et celles de la culture de la société d’accueil4.  
Par la séparation, l’individu cherche à conserver son identité et sa culture d’origine, tout en évitant volontairement des interactions ou des relations avec la société d’accueil. Si cette absence de relation avec la société d’accueil est imposée par cette société elle‐même, on parlera davantage de "ségrégation". Comme Berry et Sabatier le font remarquer, c’est l’origine du choix (libre ou imposé) qui détermine ici la stratégie (séparation ou ségrégation).
Enfin, la marginalisation conduit l’individu à perdre son identité culturelle sans pouvoir établir des interactions ou des relations avec la société d’accueil. Plusieurs chercheurs parlent dans ce cas d’identité aliénée (Sabatier et Berry). Cette situation est difficile à cerner et s’accompagne de confusion identitaire collective et individuelle, voire d’angoisse. Elle relève plutôt de situations pathologiques et pourrait être le résultat de discrimination et d’exclusion à l’égard de l’individu migrant (Berry)4.  

L’acculturation en géographie 

En géographie, il y a un lien évident entre le concept d’acculturation et le phénomène de la migration. En effet, le déplacement d’un individu ou d’un groupe d’individus engendre souvent un processus d’acculturation dans le pays d’accueil.
L'acculturation peut très bien être expliquée dans un contexte de migration humaine. La migration désigne « le déplacement volontaire ou non d'individus ou de populations d'un pays dans un autre ou d'une région dans une autre, pour des raisons économiques, politiques ou culturelles. » Cette dernière a évolué avec le temps et a créé plusieurs typologies : la migration économique ou politique, la migration de contrainte ou volontaire. Peu importe les raisons de la migration, un processus d'acculturation de l'individu ou du groupe d'individus dans la société d'accueil se crée et varie dans la durée et dans la forme selon différents facteurs.
Selon Selim Abou5 qui s'est intéressé au phénomène, le premier facteur qui impacte l'acculturation, est d’ordre social. Celui-ci s'intéresse au cercle de connaissances du migrant qui impacte la durée d'acculturation. Selon si le migrant est entouré, il s'acculture beaucoup plus rapidement qu'un migrant qui vient seul et qui n'a pas de connaissances ou de réseau de connaissances dans la société d'accueil.
Le deuxième facteur s'intéresse à la dimension spatiale. En effet, les distances géographiques entre le pays de départ et le pays d'arrivée peut avoir un impact sur la durée et la complexité de l'acculturation. Par exemple, un migrant venant d'un pays européen s'acculture plus rapidement qu'un migrant venant d'un autre continent ou d'un pays ayant une culture très différente du pays d'accueil. D'ailleurs, les migrants plus proches géographiquement sont perçus par la société d'accueil comme des étrangers "prochain" contrairement aux autres migrants éloignés géographiquement qui sont perçus comme des étrangers "lointains". L'acculturation pour ces derniers est donc plus longue et complexe et demande un effort plus conséquent.

Enjeux

Sous l'influence du courant culturaliste, la culture a été (notamment pendant et au début du xixe siècle) perçue comme une entité bien distincte des autres, bien délimitée par des "frontières". Dès lors, tout contact d'une culture avec une autre risque d'en altérer la pureté. Dans ce cas, le processus d'acculturation est perçu comme une atteinte à la culture authentique.
En fait, les cultures se construisent au contact des autres et ne sont pas imperméables, isolées par des frontières bien étanches. Il n'y a donc pas de cultures pures et d'autres métissées. Toutes le sont plus ou moins à des degrés divers. L'acculturation est donc un phénomène permanent, continu et non pas occasionnel. C'est même un phénomène universel et constitutif des cultures.
Les cultures dépendent des rapports sociaux qu'entretiennent les hommes entre eux. Or ceux-ci sont souvent des rapports de force. Les différentes cultures vont donc se trouver les unes par rapport aux autres en position de force ou de faiblesse. Mais les groupes socialement les plus forts n'arrivent pas toujours à s'imposer aux groupes les plus faibles. Les cultures sont donc des ensembles en construction permanente, avec des phénomènes de structuration, déstructuration. Il n'y a pas forcément une culture donneuse et une autre receveuse. L'acculturation n'est jamais à sens unique.
Dans ce contexte, comment les populations migrantes peuvent-elles s'intégrer ? Peuvent-elles garder leurs cultures d'origine ? En fait c'est impossible, toute culture transplantée ne peut rester identique à elle-même. Les populations immigrées inventent de nouveaux modèles culturels (comme les Noirs aux États-Unis). Il y a souvent dans un premier temps méfiance ou opposition face à la culture du pays d'accueil, puis adoption d'éléments de cette culture ou au contraire parfois rejet (on parle alors de contre acculturation) pour réaffirmer certains traits de la culture d'origine. Souvent le processus est complexe, fait à la fois de mélanges, réinterprétations, assimilations, etc. On parle alors de syncrétisme qui est le métissage de traits culturels.

Formes d'acculturation

Roger Bastide, sociologue français, distingue plusieurs types d'acculturation :
  • une acculturation spontanée quand les cultures sont en contact libre;
  • une acculturation forcée, organisée, imposée par un groupe comme lors de la colonisation ou de l'esclavage par exemple;
  • une acculturation planifiée, contrôlée, dans le but de construire à long terme une culture prolétarienne par exemple dans les ex-pays socialistes ou une culture nationale.
Mais le sociologue français Bastide n'est pas le seul à s'être intéressé aux différentes formes d'acculturation. Jean Melville Herskovits a également identifié d'autres formes d'acculturation6 :
  • Acculturation à travers l’acceptation de la culture proposée ou imposée : il n’est pas question d’adaptation du plus fort au plus faible mais d’une tolérance sélective qui opère un choix parmi les modèles culturels donnés par la culture dominante
  • Acculturation à travers l’isolement défensif : esquive par certains groupes de rencontrer la société d’accueil qui la ressente comme pouvant être une menace pour leur identité ethnique ou repli sur eux-mêmes sans même chercher le contact avec l’autre.
  • Acculturation à travers la résistance : le contact engendre un violent mouvement d’antagonisme aux valeurs étrangères. Par exemple : la guerre de Boxers en Chine au début du xxe siècle.
  • Ethnocide : Destruction totale d’une culture, qui ne passe donc pas par le processus d’acculturation. Synonyme : déculturation.
  • Métissage, miscégénation, tropicalisme et transculturalité : processus de réciprocité et d’échanges entre cultures en contact. Ces divers termes renvoient à une approche intellectuelle des contacts entre groupes humains, qui s’est développée dans le contexte du colonialisme, de la stigmatisation et de l’exclusion.

Source: Wikipédia, s.u. "acculturation"

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