dimanche 2 octobre 2016

"L'ÉVASION" DE ROBINSON (chapitre 2)



1. Après un an de résidence sur l'île, où Robinson s'est construit une demeure, a apprivoisé des animaux, cultivé du blé et commencé à construire un four à pain, conçoit le projet de se faire une pirogue pour quitter l'île.

 "Cela m’amena enfin à penser s’il ne serait pas possible de me construire, seul et sans outils, avec le tronc d’un grand arbre, une pirogue toute semblable à celles que font les naturels de ces climats. Je reconnus que c’était non-seulement faisable, mais aisé. Ce projet me souriait infiniment, avec l’idée surtout que j’avais en main plus de ressources pour l’exécuter qu’aucun Nègre ou Indien ; mais je ne considérais nullement les inconvénients particuliers qui me plaçaient au-dessous d’eux ; par exemple le manque d’aide pour mettre ma pirogue à la mer quand elle serait achevée, obstacle beaucoup plus difficile à surmonter pour moi que toutes les conséquences du manque d’outils ne pouvaient l’être pour les Indiens. Effectivement, que devait me servir d’avoir choisi un gros arbre dans les bois, d’avoir pu à grande peine le jeter bas, si après l’avoir façonné avec mes outils, si après lui avoir donné la forme extérieure d’un canot, l’avoir brûlé ou taillé en dedans pour le creuser, pour en faire une embarcation ; si après tout cela, dis-je, il me fallait l’abandonner dans l’endroit même où je l’aurais trouvé, incapable de le mettre à la mer.
Il est croyable que si j’eusse fait la moindre réflexion sur ma situation tandis que je construisais ma pirogue, j’aurais immédiatement songé au moyen de la lancer à l’eau ; mais j’étais si préoccupé de mon voyage, que je ne considérai pas une seule fois comment je la transporterais ; et vraiment elle était de nature à ce qu’il fût pour moi plus facile de lui faire franchir en mer quarante-cinq milles, que du lieu où elle était quarantecinq brasses pour la mettre à flot.

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Mais touts mes expédients pour l’amener jusqu’à l’eau avortèrent, bien qu’ils m’eussent aussi coûté un travail infini, et qu’elle ne fût éloignée de la mer que de cent verges tout au plus. Comme premier inconvénient, elle était sur une éminence à pic du côté de la baie. Nonobstant, pour aplanir cet obstacle, je résolus de creuser la surface du terrain en pente douce. Je me mis donc à l’œuvre. Que de sueurs cela me coûta ! Mais compte-t-on ses peines quand on a sa liberté en vue ? Cette besogne achevée et cette difficulté vaincue, une plus grande existait encore, car il ne m’était pas plus possible de remuer cette pirogue qu’il ne me l’avait été de remuer la chaloupe.
Alors je mesurai la longueur du terrain, et je me déterminai à ouvrir une darce ou canal pour amener la mer jusqu’à la pirogue, puisque je ne pouvais pas amener ma pirogue jusqu’à la mer. Soit ! Je me mis donc à la besogne ; et quand j’eus commencé et calculé la profondeur et la longueur qu’il fallait que je lui donnasse, et de quelle manière j’enlèverais les déblais, je reconnus que, n’ayant de ressources qu’en mes bras et en moimême, il me faudrait dix ou douze années pour en venir à bout ; car le rivage était si élevé, que l’extrémité supérieure de mon bassin aurait dû être profonde de vingt-deux pieds tout au moins. Enfin, quoique à regret, j’abandonnai donc aussi ce dessein.
J’en fus vraiment navré, et je compris alors, mais trop tard, quelle folie c’était d’entreprendre un ouvrage avant d’en avoir calculé les frais et d’avoir bien jugé si nos propres forces pourraient le mener à bonne fin."  

(D. Defoe, Robinson Crusoe)

2. Álvar Núñez Cabeza de Vaca était un Conquistador sui generis, dont la carrière fut marquée par l'échec et les naufrages. Officier dans l'expédition de Pánfilo de Narváez en 1527 en Florida, il en fut l'un des quatres survivants après deux ans de pénalités. Par la suite, il explora l'actuel Texas, l'ouest et le centre du Mexique en marchant durant près de six ans entre la région où se trouve actuellement la ville américaine de Galveston et celle de Mexico, en exercant de commerçant et de guérisseur parmi les Indiens. Dans son oeuvre Naufrages (1542) apporta les premières descriptions ethnographiques des habitants du Golfe du Mexique.
Les survivants du premier naufrage, décimés par la faim, la maladie et les flèches des Indiens, essaient d'échapper de la côte en se construisant des chaloupes avec des moyens de fortune.

 "Le tiers des hommes était malade , et nous étions
certains de le devenir tous : nous ne voyions
d'autre terme à nos maux que la mort qui
nous paraissait horrible dans un tel pays.
Tous ces inconvénients ayant été examinés, et
plusieurs remèdes proposés, nous nous arrêtâ
mes à un seul fort difficile il est vrai à exécu
cuter : c'était de construire des vaisseaux '
pour nous embarquer. Tout le monde regar
dait cela comme une chose impossible ; car
nous ignorions les règles de la construction :
nous n'avions ni outils, ni fer ni forges , ni
chanvre, ni bois, ni agrès; enfin aucun des
objets qui sont nécessaires, et personne ne
connaissait la manœuvre. Une autre diffi
culté , c'est que nous aurions manqué de vi
vres pendant que lion aurait travaillé[...]
 Nous commençâmes les con
structions avec un seul charpentier; mais nous
y mîmes tant d'ardeur , que du 4 août au 20
septembre, on en termina cinq de vingt-deux
coudées de longueur ; ils furent calfatés avec
des étoupes de palmistes; nous les goudro
nâmes avec de la poix extraite des pins par un
Grec, nommé Theodoro; nous fîmes des cordes
et des agrès avec les queues et la crinière des
chevaux. Nous emplovàmes nos chemises pour
des voiles; nous fîmes avec des sapins les ra
mes dont nous avions besoin. Ce pays où
nous avions été conduits pour nos péchés
était si misérable, que nous eûmes la plus
grande peine à trouver des pierres pour faire
le leste et les ancres de nos barques; dans
toute la contrée nous n'en avions aperçu
aucune [...]
 Quand nous fûmes em
barqués avec les vivres et nos effets , nos cha
loupes entraient tellement dans l'eau qu'il ne
restait dehors qu'un palme de bord. Outre
cet inconvénient , nous étions si serrés , que
nous ne pouvions nous remuer ; mais la né
cessité était si grande , que nous nous hasar
dâmes dans cet état sur une mer aussi ora
geuse , et sans que personne d'entre nous eût
la moindre connaissance de la navigation"


Questions:

1. Comparez les projets des deux Robinsons. Quelles différences trouvez-vous? Sont-elles indices de personalités diverses?
2. Comparez la situation des Robinsons avec celle de Núñez de Vaca et ses camarades, et leurs attitudes envers l'adversité.




source: Wikipedia.

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