lundi 7 novembre 2016

LA LÉGENDE NOIRE ET LA CONTROVERSE DE VALLADOLID




Image: Fray Bartolomé de las Casas

Questions:

1. Comparez le point de vue de Robinson avec celui de Montaigne. Êtes-vous d'accord avec son raisonement pour ne pas attaquer les cannibales?

2. Que savez-vous de la légende noire?


TEXTE 1:

 "Aussi long-temps que je fis ma tournée journalière à la colline mon dessein subsista dans toute sa vigueur, et mon esprit me parut toujours être en disposition convenable pour exécuter l’outrageux massacre d’une trentaine de Sauvages sans défense, et cela pour un crime dont la discussion ne m’était pas même entrée dans l’esprit, ma colère s’étant tout d’abord enflammée par l’horreur que j’avais conçue de la monstrueuse coutume du peuple de cette contrée, à qui, ce semble, la Providence avait permis, en sa sage disposition du monde, de n’avoir d’autre guide que leurs propres passions perverses et abominables, et qui par conséquent étaient livrés peut-être depuis plusieurs siècles à cette horrible coutume, qu’ils recevaient par tradition, et où rien ne pouvait les porter, qu’une nature entièrement abandonnée du Ciel et entraînée par une infernale dépravation. – Mais lorsque je commençai à me lasser, comme je l’ai dit, de cette infructueuse excursion que je faisais chaque matin si loin et depuis si long-temps, mon opinion elle-même commença aussi à changer, et je considérai avec plus de calme et de sangfroid la mêlée où j’allais m’engager. Quelle autorité, quelle mission avais-je pour me prétendre juge et bourreau de ces hommes criminels lorsque Dieu avait décrété convenable de les laisser impunis durant plusieurs siècles, pour qu’ils fussent en quelque sorte les exécuteurs réciproques de ses jugements ? Ces peuples étaient loin de m’avoir offensé, de quel droit m’immiscer à la querelle de sang qu’ils vidaient entre eux ? – Fort souvent s’élevait en moi ce débat : Comment puis-je savoir ce que Dieu lui-même juge en ce cas tout particulier ? Il est certain que ces peuples ne considèrent pas ceci comme un crime ; ce n’est point réprouvé par leur conscience, leurs lumières ne le leur reprochent point. Ils ignorent que c’est mal, et ne le commettent point pour braver la justice divine, comme nous faisons dans presque touts les péchés dont nous nous rendons coupables. Ils ne pensent pas plus que ce soit un crime de tuer un prisonnier de guerre que nous de tuer un bœuf, et de manger de la chair humaine que nous de manger du mouton.
De ces réflexions il s’ensuivit nécessairement que j’étais injuste, et que ces peuples n’étaient pas plus des meurtriers dans le sens que je les avais d’abord condamnés en mon esprit, que ces Chrétiens qui souvent mettent à mort les prisonniers faits dans le combat, ou qui plus souvent encore passent sans quartier des armées entières au fil de l’épée, quoiqu’elles aient mis bas les armes et se soient soumises.

Tout brutal et inhumain que pouvait être l’usage de s’entredévorer, il me vint ensuite à l’esprit que cela réellement ne me regardait en rien : ces peuples ne m’avaient point offensé ; s’ils attentaient à ma vie ou si je voyais que pour ma propre conservation il me fallût tomber sur eux, il n’y aurait rien à redire à cela ; mais étant hors de leur pouvoir, mais ces gens n’ayant aucune connaissance de moi, et par conséquent aucun projet sur moi, il n’était pas juste de les assaillir : c’eût été justifier la conduite des Espagnols et toutes les atrocités qu’ils pratiquèrent en Amérique, où ils ont détruit des millions de ces peuples, qui, bien qu’ils fussent idolâtres et barbares., et qu’ils observassent quelques rites sanglants, tels que de faire des sacrifices humains, n’étaient pas moins de fort innocentes gens par rapport aux Espagnols. Aussi, aujourd’hui, les Espagnols eux-mêmes et toutes les autres nations chrétiennes de l’Europe parlent-ils de cette extermination avec la plus profonde horreur et la plus profonde exécration, et comme d’une boucherie et d’une œuvre monstrueuse de cruauté et de sang, injustifiable devant Dieu et devant les hommes ! Par là le nom d’ESPAGNOL est devenu odieux et terrible pour toute âme pleine d’humanité ou de compassion chrétienne ; comme si l’Espagne était seule vouée à la production d’une race d’hommes sans entrailles pour les malheureux, et sans principes de cette tolérance marque avérée des cœurs magnanimes."

(D. DEFOE, Robinson Crusoe)


TEXTE 2:

La controverse de Valladolid est un débat qui opposa essentiellement le dominicain Bartolomé de Las Casas et le théologien Juan Ginés de Sepúlvedaen deux séances d'un mois chacune (l'une en 1550 et l'autre en 1551) au collège San Gregorio de Valladolid, mais principalement par échanges épistolaires. Ce débat réunissait théologiens, juristes et administrateurs du royaume, afin que, selon le souhait de Charles Quint, il se traite et parle de la manière dont devaient se faire les conquêtes dans le Nouveau Monde, suspendues par lui, pour qu'elles se fassent avec justice et en sécurité de conscience 1.
La question était de savoir si les Espagnols pouvaient coloniser le Nouveau Monde et dominer les indigènes, les Amérindiens, par droit de conquête, avec la justification morale pouvant permettre de mettre fin à des modes de vie observés dans les civilisations précolombiennes, notamment la pratique institutionnelle du sacrifice humain, ou si les sociétés amérindiennes étaient légitimes malgré de tels éléments et que seul le bon exemple devait être promu via une colonisation - émigration.
Ce débat eut lieu sous le pontificat du pape Jules III.
C'est aussi un débat politique et religieux organisé en 1550 par Charles Quint qui fit cesser temporairement la colonisation de l'Amérique par la monarchie espagnole. Il avait pour but de définir officiellement la légitimité ou l'illégitimité de l'esclavage des peuples amérindiens.
Lors de ce procès, on officialise que les Amérindiens ont un statut égal à celui des Blancs. Cette décision ne s'appliquait pas aux Noirs d'Afrique dont l'esclavage n'était pas contesté : c'est d'ailleurs en raison de la controverse de Valladolid que les Européens vont pratiquer la traite des noirs pour alimenter le Nouveau-Monde en esclaves.

Sur le plan humain[modifier | modifier le code]

Le débat intellectuel issu de la controverse de Valladolid a inspiré les Nuevas Leyes de América, compilation de plus de 6 000 lois en neuf livres. Le souci sincère de Bartolomé de las Casas d'épargner les Indiens les a préservés (par rapport à l'Amérique du Nord anglo-saxonne, notamment) mais paradoxalement, il est à l'origine, non de la naissance mais de la généralisation, de la Traite des Noirs vers l'Amérique : empêchés d'employer les Indiens comme travailleurs forcés, les Espagnols cherchent des esclaves et nouent des contacts avec des négriers africains, portugais, génois, français… qui leur vendent sur plusieurs siècles des millions d'esclaves.
À l'aube du xixe siècle, Henri Grégoire conteste catégoriquement cette implication de Las Casas dans la généralisation de la traite des Noirs. Selon lui, l'accusation menée contre Las Casas est une calomnie montée de toutes pièces à partir des écrits d'Antonio de Herrera y Tordesillas5.
Grégoire soutient que l'accusation ne repose pas sur des sources concrètes ou vérifiables. Il y démontre également que Las Casas n'est pas soucieux de la seule situation aux Amériques, mais s'oppose, de manière globale, à toute forme d'impérialisme.
La publication posthume de Historia de las Indias, en 1875 (soit plus de trois siècles après la mort de Las Casas), lui donne raison. Dans le tome III, Las Casas se repent d'avoir accepté dans ses jeunes années, pour alléger le travail des Indiens, que les colons soient autorisés à faire entrer leurs esclaves noirs dans leurs encomiendas américaines (cette pratique existait cependant avant cet accord, Las Casas n'en est aucunement l'initiateur). À la suite de cet aveu, il condamne également cet esclavage, qu'il juge aussi injuste et inhumain que celui des Indiens. Herrera omet toutefois de mentionner ce repentir et donne ainsi lieu à un contresens que l'historiographie n'a cessé de répéter jusqu'à nos jours.

Sur le plan intellectuel[modifier | modifier le code]

Las Casas publiera en 1552 sa Brevísima relación de la destrucción de las Indias (« Très brève relation de la destruction des Indes ») dans laquelle il décrit les exactions des conquistadors6. Ce livre, abondamment publié et commenté aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne est à l'origine de la Légende Noire de la colonisation espagnole et servira d'argument moral à ces puissances pour lutter contre l'Espagne, chercher à prendre sa place en Amérique et détourner l'attention des crimes et génocides de leur propre colonisation.
Dans les pays protestants, cet ouvrage servira d'argument pour présenter l'Espagne, pays catholique et monarchique, comme rétrograde et obscurantiste.
Dans les faits l'argument ne tient pas : le pouvoir monarchique espagnol, et l'église catholique romaine ont constamment édicté des lois cherchant à protéger les indiens et à garantir leur liberté (la tenue de la controverse de Valladolid, à la demande de Charles Quint et des autorités ecclésiastiques, en est un bon exemple). Au contraire, les responsables politiques et du Congrès nord-américains ont ouvertement provoqué et organisé la spoliation et l'élimination des populations indiennes dont ils convoitaient les territoires (extermination planifiée des bisons, Indian Removal Act de 1830, déportation massive et parcage dans des « réserves »).
L'historiographie récente attribue également la brutale chute démographique de la population amérindienne davantage au choc bactériologique de l'échange colombien qu'aux violences perpétrées par les Espagnols durant la conquête et la colonisation de l'Amérique, et conteste la nature génocidaire des homicides et des mauvais traitements commis pendant l'empire espagnol
(source: Wikipedia)

DOCUMENT 3: (10 points)

1. Quelle fut la cause du rencontre? Pouquoi ces hommes ont-ils tenu un tel débat sur la nature humaine ou autre des Indiens? Utilisez le texte en photocopie de Claude Levi-Strauss.
2. Énumerez les arguments de Bartolomé de las Casas contre l'esclavage des Indiens.
3. Énumerez les arguments du maître Sepulveda en faveur de la situation d'exploitation des Indiens.
4. Résumez les conclusions des deux orateurs.
5. Quelle est la conclusion à laquelle on parvient?




   

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