1. Les raisons du voyage.
"Ils me déclarèrent, après m’avoir recommandé la discrétion,
qu’ils avaient le dessein d’équiper un vaisseau pour la côte de
Guinée. – « Nous avons touts, comme vous, des plantations,
ajoutèrent-ils, et nous n’avons rien tant besoin que d’esclaves
; mais comme nous ne pouvons pas entreprendre ce commerce, puisqu’on
ne peut vendre publiquement les Nègres lorsqu’ils sont débarqués,
nous ne désirons, faire qu’un seul voyage, pour en ramener
secrètement et les répartir sur nos plantations. » En un mot, la
question était que si je voulais aller à bord comme leur
subrécargue, pour diriger la traite sur la côte de Guinée,
j’aurais ma portion contingente de Nègres sans fournir ma
quote-part d’argent.
C’eût été une belle proposition, il faut en convenir, si elle
avait été faite à quelqu’un qui n’eût pas eu à gouverner un
établissement et une plantation à soi appartenant, en beau chemin
de devenir considérables et d’un excellent rapport ; mais pour
moi, qui étais ainsi engagé et établi, qui n’avais qu’à
poursuivre, comme j’avais commencé, pendant trois ou quatre ans
encore, et qu’à faire venir d’Angleterre mes autres cent livres
sterling restant, pour être alors, avec cette petite addition, à
peu près possesseur de trois ou quatre mille livres, qui
accroîtraient encore chaque jour ; mais pour moi, dis-je, penser à
un pareil voyage, c’était la plus absurde chose dont un homme
placé en de semblables circonstances pouvait se rendre coupable.
Mais comme j’étais né pour être mon propre destructeur, il me
fut aussi impossible de résister à cette offre, qu’il me l’avait
été de maîtriser mes premières idées vagabondes lorsque les bons
conseils de mon père échouèrent contre moi. En un mot, je leur dis
que j’irais de tout mon cœur s’ils voulaient se charger de
conduire ma plantation durant mon absence, et en disposer ainsi que
je l’ordonnerais si je venais à faire naufrage."
(D. Defoe, Robinson Crusoe)
1.1. Comparez les raisons du voyage du Robinson de Defoe avec celles de celui de Tournier, exprimées au préface.
1.2. D'un point de vu moral comment jugeriez-vous les motivations du premier Robinson?
2. Premiers jours sur l'île et expéditions dans l'épave.
Quelques jours plus tard, après mes voyages au bâtiment, et après
que j’en eus tout retiré, je ne pouvais encore m’empêcher de
gravir sur le sommet d’une petite montagne, et là de regarder en
mer, dans l’espérance d’y appercevoir un navire. Alors
j’imaginais voir poindre une voile dans le lointain. Je me
complaisais dans cet espoir ; mais après avoir regardé fixement
jusqu’à en être presque aveuglé, mais après cette vision
évanouie, je m’asseyais et je pleurais comme un enfant. Ainsi
j’accroissais mes misères par ma folie.
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JOURNAL
30 SEPTEMBRE 1659
"Moi, pauvre misérable ROBINSON CRUSOÉ, après avoir fait naufrage
au large durant une horrible tempête, tout l’équipage étant
noyé, moi-même étant à demi-mort, j’abordai à cette île
infortunée, que je nommai l’ÎLE DU DÉSESPOIR.
Je passai tout le reste du jour à m’affliger de l’état affreux
où j’étais réduit : sans nourriture, sans demeure, sans
vêtements, sans armes, sans lieu de refuge, sans aucune espèce de
secours, je ne voyais rien devant moi que la mort, soit que je dusse
être dévoré par les bêtes ou tué par les Sauvages, ou que je
dusse périr de faim. À la brune je montai sur un arbre, de peur des
animaux féroces, et je dormis profondément, quoiqu’il plût toute
la nuit."
(D. DEFOE, Robinson Crusoe)
1. Retrouvez et citez les phrases du chapitre I du roman de Tournier où l'on qualifie l'île d'une façon pareille et l'on explicite la tentation de la folie.
2. Cherchez sur le net des informations sur le Selkirk nommé dans l'image et expliquez son rapport avec le mythe de Robinson.
Image: Archipel de Juan Fernández, appartenant au Chili.
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